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La Matrimoniale commençait dans l’après-midi ou en début de soirée pour laisser un long moment à la fête tandis que la nuit tombait. Le Chant de la Mère, récité ou chanté, concluait toujours la cérémonie et signalait le début du repas et des autres festivités.

Ayla assista avec Jondalar à toute la Matrimoniale et fut, bien qu’elle refusât de l’admettre, gagnée par l’ennui avant la fin. En voyant des gens aller et venir pendant toute l’après-midi, elle s’était rendu compte qu’elle n’était pas la seule à être lasse de la longue énumération des noms et des liens, de la répétition des formules rituelles, mais elle savait combien cette cérémonie était importante pour chacun des couples et leurs familles. En outre, tous les membres de la Zelandonia devaient rester jusqu’à la fin et elle en faisait désormais partie.

Ayla avait compté dix-huit cérémonies individuelles quand elle vit la Première rassembler tous les couples. On avait annoncé une vingtaine d’unions, voire davantage, mais plusieurs n’étaient pas certaines. Une cérémonie pouvait être reportée, surtout à la première Matrimoniale de la saison, pour des raisons diverses allant de l’indécision – les promis n’étaient pas prêts à s’engager – au retard d’un membre éminent de la famille. La Matrimoniale de la fin de l’été serait toujours là pour les décisions tardives, les parents en retard, les arrangements non encore conclus, ou les nouvelles liaisons de l’été.

Ayla sourit quand elle entendit le timbre riche de la Première entamant le Chant de la Mère :

 

Des ténèbres, du Chaos du temps,

Le tourbillon enfanta la Mère suprême.

Elle s’éveilla à Elle-Même sachant la valeur de la vie,

Et le néant sombre affligea la Grande Terre Mère.

La Mère était seule, la Mère était la seule.

 

Ayla avait adoré la Légende de la Mère la première fois qu’elle l’avait entendue, et elle l’aimait particulièrement quand elle était interprétée par la Première parmi Ceux Qui Servaient la Grande Terre Mère. Le reste des Zelandonii se joignit à elle, les uns chantant, les autres récitant. Les joueurs de flûte ajoutèrent leurs harmonies et une Zelandonii exécuta une fugue en contrepoint.

Ayla entendait Jondalar, qui se tenait près d’elle. Bien qu’il eût une belle voix, il chantait rarement, et presque toujours en groupe. Elle, en revanche, était incapable de reproduire une mélodie, elle n’avait jamais appris à le faire et n’avait apparemment aucun penchant naturel pour le chant. Le mieux qu’elle pouvait faire, c’était psalmodier d’une voix monocorde, mais elle avait mémorisé les paroles et les prononçait avec ferveur. Elle s’identifiait en particulier à la Mère dans le passage où Elle avait un fils, un « enfant radieux », puis le perdait. Ayla avait les larmes aux yeux chaque fois qu’elle l’entendait :

 

La Grande Mère vivait la peine au cœur

Qu’Elle et Son fils soient à jamais séparés.

Se languissant de Son enfant perdu,

Elle puisa une ardeur nouvelle dans Sa force de vie.

 

Elle ne pouvait se résigner à la perte du fils adoré.

 

Puis venait le passage où la Mère engendrait tous les animaux, qui étaient aussi Ses enfants, et le moment où Elle donnait naissance à Première Femme et Premier Homme.

 

Femme et Homme la Mère enfanta

Et pour demeure Elle leur donna la Terre,

Ainsi que l’eau, le sol, toute la création,

Pour qu’ils s’en servent avec discernement.

 

Ils pouvaient en user, jamais en abuser.

 

Aux Enfants de la Terre, la Mère accorda

Le Don de Survivre puis Elle décida

De leur offrir celui des Plaisirs

Qui honore la Mère par la joie de l’union.

 

Les Dons sont mérités quand la Mère est honorée.

 

Satisfaite des deux êtres qu’Elle avait créés,

La Mère leur apprit l’amour et l’affection.

Elle insuffla en eux le désir de s’unir,

Le Don de leurs Plaisirs vint de la Mère.

Avant qu’Elle eût fini, Ses enfants L’aimaient aussi.

 

Les Enfants de la Terre étaient nés, la Mère pouvait se reposer.

 

C’étaient les mots que tous attendaient. Ils signifiaient que la cérémonie officielle était terminée, qu’il était temps de festoyer.

Les participants se mirent à aller et venir en attendant que le repas soit servi. Jonayla, qui avait dormi paisiblement tant qu’Ayla était demeurée sans bouger, s’était mise à gigoter lorsque tous les Zelandonii avaient chanté en chœur. Elle se réveilla quand sa mère se leva et fit quelques pas. Ayla la tira de la couverture à porter et la tint au-dessus du sol pour qu’elle lâche son eau. L’enfant avait rapidement appris que plus vite elle se soulageait, plus vite elle échappait au froid et se retrouvait de nouveau contre un corps chaud.

— Laisse-moi la prendre, dit Jondalar, les bras tendus.

— Enveloppe-la dans sa couverture, recommanda Ayla en lui donnant la souple peau de cerf dans laquelle elle portait sa fille. Il commence à faire frais et Jonayla est encore toute chaude de sommeil.

Ils prirent le chemin du camp de la Troisième Caverne. Ses membres avaient étendu l’espace qu’on leur avait alloué pour faire de la place à leurs voisins au lieu de rassemblement principal. Les membres de la Neuvième avaient construit deux abris pour leur propre usage, en particulier dans la journée, mais en parlaient toujours comme du camp de la Troisième. Les deux Cavernes avaient aussi tendance à partager les repas et à se rassembler pour les fêtes, même si les Matrimoniales étaient toujours préparées et partagées par tous les Zelandonii.

Le couple rejoignit le reste des parents et amis de Jondalar qui apportaient de la nourriture au lieu de rassemblement du Camp d’Été, près de la hutte de la Zelandonia. Proleva, comme d’habitude, assurait l’organisation, assignait les tâches et confiait à tel ou tel la responsabilité d’un aspect de la fête. De tous côtés on apportait les plats du grand festin. Chaque camp avait mis au point une façon particulière de faire cuire la nourriture abondante et variée disponible dans la région.

Les prairies et les forêts-galeries bordant les rivières fournissaient leur pâture à de nombreuses espèces de gros herbivores tels l’aurochs, le bison, le cheval, le mammouth, le rhinocéros laineux, le mégacéros, le renne, le daim et d’autres cervidés encore. Certains animaux, comme le bouquetin, le mouflon et le chamois, qui en d’autres périodes se réfugiaient dans la montagne, passaient des saisons dans les plaines froides. L’antilope saïga vivait dans la steppe toute l’année. Au cœur de l’hiver apparaissait le bœuf musqué. Il y avait aussi des petits animaux que les Zelandonii prenaient au piège, et du gibier à plume qu’ils abattaient avec des pierres ou un bâton de jet, notamment le lagopède, qu’Ayla appréciait particulièrement.

La région offrait également une large variété de légumes, y compris des racines comme la carotte, des rhizomes de jonc, des oignons savoureux, des noix de hickory au goût épicé et plusieurs sortes de racines de fougères et d’arachides qu’on déterrait avec un bâton à fouir et qu’on mangeait crues, cuites ou séchées. Les tiges de chardon, qu’il fallait tenir par la fleur, pour ne pas se faire érafler par les épines, et gratter avant de les couper, étaient délicieuses une fois légèrement cuites. Les tiges de bardane ne demandaient pas de précautions particulières mais devaient être jeunes. Les feuilles vertes de l’ansérine étaient bonnes, et les orties encore meilleures, mais il fallait les saisir avec une large feuille d’une autre plante pour protéger sa main de leur suc irritant, qui disparaissait à la cuisson.

Il y avait aussi abondance de noix, de fruits, en particulier des baies, et de plantes à infusion. On trempait les feuilles, les tiges et les fleurs dans l’eau très chaude, ou on les laissait simplement macérer un moment au soleil, pour obtenir un breuvage ayant le goût et les propriétés souhaités. Mais cela ne suffisait pas pour extraire les composants de substances organiques plus dures : écorces, graines et racines devaient être bouillies pour obtenir une décoction appropriée.

Pendant le festin, on consommerait d’autres boissons, comme des jus de fruits, y compris fermentés. La sève des arbres, notamment celle du bouleau, était réduite par ébullition pour donner un sucre qu’on laissait fermenter. Les grains et le miel pouvaient aussi donner une boisson alcoolique. Marthona fit don d’une quantité limitée de son vin de fruits, Laramar de son barma, et quelques autres offrirent d’autres breuvages au degré d’alcool varié. La plupart des convives apportaient leurs propres coupes et ustensiles, mais on proposait des plats en bois ou en os gravés et des bols en fibres tressées à ceux qui en faisaient la demande.

Ayla et Jondalar déambulèrent en saluant des amis, en goûtant les mets préparés par les différentes Cavernes. Jonayla était souvent au centre de l’attention. Certains étaient curieux de voir si l’étrangère qui avait grandi chez les Têtes Plates, qu’ils considéraient encore comme des animaux, avait donné naissance à un enfant normal. Les amis et les parents étaient ravis que Jonayla soit une jolie petite fille, heureuse et en parfaite santé, avec de fins cheveux presque blancs et légèrement bouclés. Tout le monde constatait immédiatement que c’était l’esprit de Jondalar que la Mère avait choisi pour le mêler à celui d’Ayla afin de créer sa fille : l’enfant avait les mêmes extraordinaires yeux bleus.

Ils passaient devant un groupe de personnes qui avaient établi leur camp au bord de la vaste partie commune quand Ayla crut reconnaître plusieurs d’entre elles.

— Est-ce que ce ne sont pas des conteurs itinérants ? demanda-t-elle à Jondalar. Je ne savais pas qu’ils venaient à notre Réunion d’Été.

— Moi non plus. Allons les saluer.

Ils se dirigèrent vers le groupe d’un pas vif et Jondalar s’exclama :

— Galliadal ! Je suis content de te voir.

Un homme se retourna et sourit.

— Jondalar ! Ayla ! dit-il en s’approchant d’eux, les bras tendus.

Il s’empara des mains de Jondalar et poursuivit :

— Au nom de la Grande Terre Mère, je te salue.

Galliadal était presque aussi grand que Jondalar, un peu plus âgé, et il avait la peau aussi sombre que celle de Jondalar était blanche. La chevelure du compagnon d’Ayla était blonde, celle du conteur brune avec des mèches plus claires, et peu fournie sur le dessus. Ses yeux n’étaient pas d’un bleu aussi saisissant que celui des yeux de Jondalar, mais le contraste avec son teint basané les rendait intrigants. Sa peau n’est pas brune comme celle de Ranec, pensa Ayla. Il passe sans doute beaucoup de temps au soleil mais je ne crois pas qu’elle s’éclaircisse vraiment en hiver.

— Au nom de Doni, sois le bienvenu à notre Réunion d’Été, ainsi que le reste de ta Caverne Itinérante, répondit Jondalar. J’ignorais votre venue. Vous êtes ici depuis quand ?

— Nous sommes arrivés avant midi mais nous avons partagé le repas de la Deuxième Caverne avant de nous installer. La compagne de leur Homme Qui Commande est une de mes lointaines cousines. Je ne savais pas qu’elle avait eu deux nés-ensemble.

— Tu es parent de Beladora ? Kimeran et moi sommes compagnons d’âge, nous avons passé ensemble nos Rites de Puberté. J’étais le plus grand en taille et je me suis senti embarrassé jusqu’à ce que Kimeran arrive. J’étais vraiment soulagé qu’il soit là.

— Je comprends ce que tu ressentais, d’autant que tu es encore plus grand que moi, dit Galliadal.

Il se tourna vers Ayla, prit ses mains tendues.

— Je te salue.

— Au nom de la Mère, sois le bienvenu, répondit-elle.

— Et qui est ce ravissant bébé ?

— C’est Jonayla.

— Jon-Ayla ! Ta fille, avec les yeux de Jondalar : le nom est bien choisi. J’espère que tu viendras ce soir. J’ai un conte spécialement pour toi.

— Pour moi ? fit-elle, étonnée.

— Oui. C’est l’histoire d’une femme qui a un don avec les animaux. Partout où je l’ai racontée, elle a beaucoup plu.

— Tu connais une femme qui comprend les animaux ? J’aimerais la rencontrer.

— Tu la connais déjà.

— Mais à part moi je ne…

Ayla s’interrompit et rougit en comprenant.

— Je ne pouvais pas laisser passer une histoire aussi formidable, se justifia Galliadal. Mais je ne prononce jamais ton nom et j’ai changé plusieurs choses. Quand on me demande si c’est de toi qu’il s’agit, je ne réponds jamais. Cela rend l’histoire encore plus captivante. Je la raconterai ce soir lorsque nous aurons une nombreuse assistance. Viens donc.

— Oh, nous viendrons, promit Jondalar.

Il avait observé Ayla et, à en juger par son expression, elle n’était pas particulièrement ravie qu’un conteur concocte des histoires sur elle et les raconte à toutes les Cavernes. Il savait que beaucoup d’autres auraient adoré toute cette attention, mais pas Ayla. Elle trouvait déjà excessif l’intérêt qu’on lui portait. Jondalar ne pouvait cependant en faire reproche à Galliadal : il était conteur et l’histoire d’Ayla était fabuleuse.

— Le conte parle de toi aussi, Jondalar, je ne pouvais pas te laisser de côté, dit Galliadal avec un clin d’œil. C’est toi qui, au terme d’un voyage de cinq années, as ramené cette femme chez toi.

Jondalar ne fut pas très heureux de l’apprendre. Ce n’était pas la première fois qu’on racontait des histoires sur lui, et ce n’étaient pas toujours celles qu’il aurait voulu qu’on connaisse. Mais il valait mieux ne pas se plaindre, cela ne faisait que les répandre plus rapidement. Les conteurs aimaient raconter des histoires sur des personnes connues et les gens adoraient les entendre. Parfois, le conteur leur laissait leur vrai nom ; parfois, en particulier lorsqu’il voulait enjoliver l’histoire, il inventait un nom pour obliger les gens à deviner de qui il s’agissait. Jondalar avait grandi bercé par ces histoires, il les adorait lui aussi, mais il leur préférait les Légendes des Anciens des Zelandonii. Il avait entendu de nombreuses histoires sur sa mère quand elle était chef de la Neuvième Caverne, et le grand amour de Marthona et Dalanar avait été si souvent conté qu’il était presque devenu une légende.

Après avoir bavardé un moment avec Galliadal, Ayla et Jondalar marchèrent nonchalamment vers le camp de la Troisième Caverne, s’arrêtant en chemin pour parler à diverses connaissances. L’obscurité s’épaississait. Ayla leva les yeux : c’était la nouvelle lune et comme sa faible clarté n’atténuait pas l’éclat des étoiles, celles-ci resplendissaient dans le ciel de nuit, étincelante profusion qui inspirait à la fois crainte et admiration.

— Le ciel est si… si plein… Je ne connais pas le mot exact, dit Ayla, avec une pointe d’agacement contre elle-même. Il est magnifique, mais plus que ça. Il me fait me sentir toute petite et bien en même temps. Il est plus grand que nous, plus grand que tout.

— Les étoiles offrent une vision merveilleuse quand elles brillent de cette façon, convint Jondalar.

Si les étoiles ne dispensaient pas autant de lumière que l’aurait fait la pleine lune, elles éclairaient suffisamment le chemin avec le renfort de grands feux, de torches et de lampes placés entre les camps. Lorsqu’ils arrivèrent à celui de la Troisième Caverne, ils y trouvèrent Proleva et sa sœur Levela, en compagnie de leur mère Velima.

— Comme Jonayla a grandi en quelques lunes ! s’émerveilla Levela. Et elle est si belle. Elle a les yeux de Jondalar mais elle te ressemble.

Ayla sourit du compliment adressé à son bébé et rejeta celui qui lui était destiné :

— Je trouve qu’elle ressemble à Marthona, pas à moi. Je ne suis pas jolie.

— Tu ne sais pas de quoi tu as l’air, intervint Jondalar. Tu ne te regardes jamais dans une plaque de bois poli ni dans une eau immobile. Tu es ravissante.

Ayla changea de sujet :

— On voit vraiment maintenant que tu es enceinte, Levela. Comment te sens-tu ?

— Depuis que je n’ai plus de nausées le matin, je me sens bien. Forte et vigoureuse. Quoique, ces derniers temps, je me fatigue vite. J’aime dormir tard et faire la sieste dans la journée, et si je reste longtemps debout j’ai mal au dos.

— C’est à peu près normal, tu ne crois pas ? dit Velima en souriant à sa fille.

— Nous organisons un endroit où garder les enfants pour que les mères et leurs compagnons puissent aller à la fête et se détendre, annonça Proleva. Vous pouvez y laisser Jonayla, si vous voulez. Il y aura des chants et des danses, et certains avaient déjà trop bu quand je suis partie.

— Tu sais que les conteurs itinérants sont là ? lui demanda Jondalar.

— J’avais entendu dire qu’ils venaient mais j’ignorais qu’ils étaient arrivés.

— Nous avons bavardé avec Galliadal, il veut que nous venions les écouter. Il a une histoire qui parle d’Ayla sans la nommer mais laisse deviner qu’il s’agit d’elle. Nous devrions y aller pour savoir de quoi les gens parleront demain.

— Tu y vas, toi, Proleva ? demanda Ayla.

— C’est une grande fête et je travaille à son succès depuis des jours, répondit la compagne de Joharran. Je crois que je vais rester ici avec quelques femmes pour garder les enfants. Ce sera plus reposant. J’ai eu ma part de Fêtes de la Mère.

— Je pourrais peut-être rester, moi aussi, suggéra Ayla.

— Non, vas-y. Ces fêtes sont encore nouvelles pour toi et tu dois apprendre à les connaître si tu veux devenir Zelandoni. Donne-moi ton bébé, cela fait longtemps que je ne l’ai pas câliné.

— Laisse-moi d’abord la nourrir. J’ai les seins pleins de lait, de toute façon.

— Levela, tu devrais l’accompagner puisque les conteurs itinérants sont là. Et toi aussi, mère, dit Proleva.

— Ils sont là pour de nombreux jours, je les verrai plus tard, répondit Velima. Moi aussi, j’ai eu ma part de Fêtes de la Mère. Tu as été tellement occupée que nous n’avons pas eu beaucoup le temps de parler. J’aime mieux rester avec toi. Mais vas-y, Levela.

— Je ne sais pas trop. Jondecam est déjà là-bas et je dois aller le retrouver, mais je me sens déjà fatiguée. Je ferai peut-être juste un saut pour entendre les conteurs.

— Joharran aussi est là-bas, dit Proleva. Il est quasiment obligé, pour tenir à l’œil certains jeunes hommes. J’espère qu’il en profitera quand même pour s’amuser. Préviens-le de l’arrivée des conteurs itinérants, Jondalar, il aime les écouter.

— J’essaierai de le trouver.

Jondalar se demanda si Proleva restait pour laisser son compagnon profiter de la fête. Si chacun se savait libre d’avoir pendant la fête d’autres partenaires que sa compagne ou son compagnon, certains ne souhaitaient pas nécessairement le voir s’accoupler avec quelqu’un d’autre. Il savait que lui-même n’aimerait pas ça. Ce serait très dur pour lui de regarder Ayla s’éloigner avec un autre. Plusieurs hommes avaient déjà montré leur intérêt pour elle, notamment le Zelandoni de la Vingt-Sixième Caverne, et même Galliadal, le conteur. La jalousie était mal vue, mais il ne pouvait s’empêcher d’en éprouver et il espérait qu’il parviendrait à la dissimuler.

Lorsqu’ils retournèrent au lieu de rassemblement, Levela ne tarda pas à repérer Jondecam et pressa le pas mais Ayla s’arrêta pour observer la foule un moment. Presque tous ceux qui participaient à cette Réunion d’Été étaient arrivés et elle ne se sentait pas encore tout à fait à l’aise parmi tant de gens. Jondalar le comprit et l’attendit.

À première vue, l’endroit semblait envahi par une masse informe roulant comme les eaux d’un fleuve. En l’observant plus attentivement, Ayla s’aperçut que la foule se divisait en plusieurs groupes, généralement autour d’un grand feu ou à proximité. Dans une partie proche du camp des conteurs itinérants, de nombreux Zelandonii étaient attroupés devant trois ou quatre personnes qui parlaient avec des gestes exagérés, juchés sur une plate-forme en bois et en cuir brut qui les élevait un peu au-dessus de la foule afin qu’on puisse mieux les voir. Les Zelandonii les plus proches de la plate-forme étaient assis par terre ou sur des troncs d’arbres et des rochers traînés spécialement à cet endroit. À l’autre bout du lieu de rassemblement, d’autres dansaient et chantaient au son de flûtes, de tambours et autres instruments à percussion. Ayla se sentait attirée par les deux spectacles et ne savait lequel choisir.

Dans une troisième zone, des gens jouaient avec des jetons et, à côté, d’autres se faisaient resservir une coupe de leur boisson préférée. Elle remarqua que Laramar distribuait son barma avec un sourire faux.

— Il s’assure des faveurs pour plus tard, dit Jondalar comme s’il avait deviné les pensées de sa compagne.

Elle n’avait pas conscience de l’expression de dégoût qui s’était peinte sur son visage quand elle avait découvert le personnage.

Tremeda faisait partie de ceux qui faisaient la queue pour le barma, mais Laramar ne lui en offrait pas. Elle se tourna alors vers le groupe voisin, occupé à piocher dans ce qui restait de nourriture, récupérée après le festin et proposée à ceux qui voulaient encore manger.

D’un bout à l’autre du vaste espace, les Zelandonii parlaient et riaient, passaient d’un endroit à un autre sans but apparent. Ayla ne remarqua pas tout de suite ce qui se passait sur les bords plus sombres du lieu de rassemblement. Puis elle avisa une jeune femme aux cheveux roux en qui elle reconnut Galeya, l’amie de Folara. Elle s’éloignait en compagnie du jeune homme de la Troisième Caverne qui s’était joint à eux pour la chasse aux lions. Ils avaient choisi de faire équipe pour se protéger mutuellement.

Ayla vit le jeune couple se diriger vers un coin obscur, s’arrêter pour s’étreindre. Elle se sentit gênée, elle n’avait pas voulu les surprendre dans un moment d’intimité. Elle s’aperçut alors que d’autres couples, à l’écart de la foule, semblaient eux aussi se livrer à des activités intimes et elle se sentit rougir.

Jondalar sourit. Il avait suivi des yeux le regard de sa compagne. Les Zelandonii évitaient eux aussi d’observer ce genre de scène. Ce n’était pas une question de gêne : les rapports intimes étaient chose courante, on s’arrangeait simplement pour ne pas les voir. Il avait voyagé, il savait que les coutumes étaient différentes d’un peuple à l’autre, mais Ayla aussi. Elle avait forcément déjà vu des couples en action, les habitations étaient si proches l’une de l’autre dans la Caverne que c’était inévitable. Elle avait sans doute vu aussi des choses semblables à la Réunion d’Été de l’année d’avant et il ne comprenait pas ce qui embarrassait Ayla. Il allait le lui demander quand Levela et Jondecam revinrent et il décida de remettre sa question à plus tard.

Le malaise d’Ayla provenait des années qu’elle avait passées avec le Clan. On lui avait alors fermement inculqué que certaines choses qu’on pouvait observer n’étaient pas censées être vues. Les pierres qui délimitaient chaque foyer dans la caverne du clan de Brun étaient comme des murs invisibles. On ne devait pas voir au-delà, on ne devait pas regarder dans le foyer d’autrui. Les membres du Clan détournaient les yeux ou leur regard se perdait dans le vide : tout pour éviter de lorgner la zone entourée de pierres. Et d’une manière générale ils veillaient à ne pas regarder fixement. Un regard fixe faisait partie de la langue des signes du Clan et était chargé de significations précises. Un regard appuyé du chef, par exemple, avait valeur de réprimande.

Lorsqu’elle s’était rendu compte de ce qu’elle voyait, Ayla avait aussitôt regardé dans une autre direction. Levela et Jondecam les rejoignirent, elle les salua chaleureusement, comme si elle ne les avait pas vus depuis longtemps.

— Nous allons écouter les conteurs, dit Levela.

— Justement, j’hésitais entre la musique et les histoires. Si vous allez voir les conteurs, je pourrais peut-être vous accompagner, proposa Ayla.

— Moi aussi, décida Jondalar.

Lorsqu’ils arrivèrent, il y avait apparemment une interruption dans le spectacle. Un conte venait de s’achever, le suivant n’avait pas encore commencé. Les gens bougeaient, certains partaient, d’autres s’installaient, d’autres encore changeaient de place. La plate-forme basse, pour le moment déserte, était assez grande pour accueillir trois ou quatre conteurs et leur permettre de se déplacer. Deux fosses à feu à peu près rectangulaires avaient été creusées de chaque côté de l’estrade pour fournir de la lumière plus que de la chaleur. Entre les deux et de chaque côté, on avait disposé en rangées des troncs d’arbres et de gros rochers, tous recouverts de coussins pour qu’on puisse s’y installer confortablement. Devant s’étendait un espace où les spectateurs étaient assis par terre, sur une natte ou une peau de bête.

Quelques personnes qui occupaient un tronc se levèrent et s’éloignèrent. D’un pas décidé, Levela marcha dans cette direction et prit place sur l’un des coussins. Jondecam la rejoignit aussitôt et ils réservèrent le reste du tronc pour leurs amis, retardés par quelqu’un qui les saluait. Pendant que le couple et l’ami échangeaient des plaisanteries, Galliadal s’approcha.

— Tu es venue, dit-il en se penchant vers Ayla.

Il pressa sa joue contre celle de la jeune femme, un peu trop longtemps au goût de Jondalar. Elle sentit son souffle chaud sur son cou, son odeur agréable d’homme, différente de celle qui lui était familière. Elle remarqua que, malgré son sourire, Jondalar contractait les muscles de ses mâchoires.

D’autres Zelandonii approchèrent et Ayla supposa qu’ils cherchaient à capter l’attention du conteur. Elle avait remarqué qu’il attirait les gens, en particulier les jeunes femmes, et plusieurs d’entre elles le contemplaient comme si elles attendaient quelque chose. Cela ne plut pas à Ayla.

— Levela et Jondecam nous retiennent des places devant, nous devons les rejoindre, argua Jondalar.

Ayla sourit à son compagnon et ils repartirent mais, lorsqu’ils arrivèrent, d’autres personnes s’étaient assises sur le tronc d’arbre et occupaient une partie de la place que Levela et Jondecam avaient gardée pour eux. Ils se tassèrent tous un peu et attendirent.

— C’est bien long, se plaignit Jondecam, qui perdait patience.

Jondalar remarqua que d’autres personnes arrivaient.

— Je crois qu’on attend que tout le monde soit installé. Les conteurs n’aiment pas que les gens bougent une fois qu’ils ont commencé, cela perturbe la narration. Et puis les gens n’aiment pas non plus arriver au milieu d’une histoire, ils préfèrent l’entendre depuis le début.

Galliadal et plusieurs autres conteurs étaient montés sur l’estrade. Ils attendirent que les gens les remarquent et, lorsque toutes les conversations cessèrent, le grand homme brun attaqua :

— Tout là-bas au pays du soleil levant…

— C’est ainsi que toutes les histoires commencent, murmura Jondalar à Ayla.

— … vivaient une femme, son compagnon et ses trois enfants. L’aîné s’appelait Kimacal.

Quand Galliadal prononça ce nom, un jeune homme qui se tenait lui aussi sur la plate-forme s’avança et s’inclina pour faire comprendre qu’il s’agissait de lui.

— Venait ensuite une fille nommée Karella, poursuivit le conteur.

Une jeune femme fit une pirouette qui se termina par un profond salut.

— Le troisième était un garçon appelé Loupal.

Un autre jeune homme se désigna fièrement avec un grand sourire.

Un murmure et quelques rires s’élevèrent de l’assistance, certains ayant fait la liaison entre le nom du cadet et celui du chasseur à quatre pattes d’Ayla.

Sans avoir à crier, Galliadal faisait porter sa voix suffisamment loin pour que tous l’entendent. Il avait une façon de parler claire et puissante, expressive. Ayla se rappela sa visite de la grotte avec le Zelandoni de la Vingt-Sixième Caverne et son acolyte, les sons qu’ils avaient tous trois émis avant de se couler à l’intérieur. Il lui vint à l’esprit que Galliadal aurait pu entrer dans la Zelandonia s’il l’avait voulu.

— Même s’ils en avaient l’âge, aucun des jeunes gens ne s’était encore uni. Leur Caverne était peu nombreuse et ils étaient tous étroitement apparentés à la plupart des membres de leur âge. Leur mère commençait à craindre qu’ils ne doivent partir chercher une compagne ou un compagnon et qu’elle ne les revoie plus. Elle avait entendu parler d’une vieille Zelandoni qui vivait seule dans une grotte en amont de la rivière, loin au nord. Certains murmuraient qu’elle était capable d’exaucer des souhaits mais qu’elle pouvait exiger de lourdes contreparties. La mère décida d’aller la voir.

« Le lendemain de son retour, elle envoya ses trois enfants chercher des racines de jonc sur la berge d’un cours d’eau. Lorsqu’ils y arrivèrent, ils rencontrèrent trois autres jeunes gens : une fille à peu près de l’âge de Kimacal, un garçon à peu près de l’âge de Karella, une fille à peu près de l’âge de Loupal.

Sur l’estrade, le premier jeune homme eut un sourire aguichant quand on mentionna la fille plus âgée, la jeune femme prit une posture bravache et l’autre jeune homme un air timide. Des rires fusèrent dans l’assistance, Ayla et Jondalar échangèrent un sourire.

— Les trois nouveaux venus étaient des étrangers récemment arrivés d’une contrée du Sud, reprit Galliadal. Selon l’usage qu’on leur avait enseigné, ils se saluèrent et se présentèrent tous en récitant leurs noms et liens. « Nous sommes venus chercher de la nourriture », dit le conteur en contrefaisant sa voix pour incarner une des filles tout juste arrivées. « Les joncs poussent en abondance sur cette rive, nous pouvons les partager », répondit Karella par le biais de Galliadal.

Galliadal lui répondit avec sa première voix de femme et poursuivit son récit :

— Ils se mirent tous à déraciner des joncs sur la berge boueuse : Kimacal aida l’étrangère la plus âgée, Karella montra au cadet où creuser et Loupal déterra quelques joncs pour la jeune timide, mais celle-ci ne voulut pas les prendre. Loupal remarqua que son frère et sa sœur appréciaient la compagnie des deux étrangers et que leurs rapports devenaient très amicaux.

Les rires redoublèrent. Non seulement les sous-entendus étaient évidents mais le jeune homme le plus âgé et la jeune femme s’étreignaient sur l’estrade avec une fougue exagérée tandis que le plus jeune les regardait avec envie. Galliadal changeait de voix pour chaque personnage et les trois autres mimaient ses propos.

— « Ces joncs sont bons, pourquoi ne veux-tu pas les manger ? » demanda Loupal à la belle étrangère. « Je ne peux pas, je ne peux manger que de la viande », répondit-elle. Loupal ne savait pas quoi faire. « Je peux chasser pour toi, si tu veux », proposa-t-il, même s’il se savait très mauvais chasseur. Il accompagnait les autres quand ils allaient à la chasse mais comme il était un peu paresseux, il ne faisait pas de gros efforts. Il retourna à la Caverne et dit à sa mère : « Kimacal et Karella partagent des joncs avec une femme et un homme du Sud. Ils ont trouvé une compagne et un compagnon mais celle que je veux ne peut pas manger de joncs, elle ne mange que de la viande et je ne suis pas très bon chasseur. Comment puis-je trouver de la nourriture pour elle ? »

Ayla se demanda si « partager des joncs » n’avait pas un autre sens qu’elle ne connaissait pas puisque le conteur associait à chaque fois les joncs à une union.

— « Il y a une vieille Zelandoni qui vit seule dans une grotte près de la rivière, dit Galliadal avec la voix de la mère. Elle pourra peut-être t’aider. Mais prends garde à ce que tu lui demanderas. Tu obtiendras exactement ce que tu auras souhaité. » Loupal se mit en route, marcha vers le nord pendant des jours, regarda dans toutes les grottes qu’il vit en chemin mais ne trouva pas la doniate. Il était sur le point de renoncer quand il avisa un trou sombre au loin dans une paroi rocheuse et décida que ce serait la dernière grotte qu’il visiterait. Il s’approcha, découvrit une vieille femme assise devant l’entrée. Elle semblait dormir et il en profita pour l’examiner soigneusement.

« Ses vêtements étaient ordinaires, informes et râpés, mais elle portait de nombreux colliers de perles et de coquillages, de dents et de griffes d’animaux percées, des statuettes sculptées dans l’ivoire, l’os, le bois de cerf ou d’arbre, la pierre et l’ambre, des médaillons sur lesquels des animaux étaient gravés. Plus impressionnants encore étaient ses tatouages faciaux, complexes et si nombreux qu’on voyait à peine sa peau entre les carrés, les spirales et les volutes. C’était sans aucun doute une Zelandoni de grande envergure et Loupal, un peu effrayé, hésitait à la déranger avec sa requête sans importance.

La femme de l’estrade s’était assise et bien qu’elle n’eût pas changé de vêtements elle s’en enveloppait maintenant de manière à ressembler à la vieille en guenilles que Galliadal venait de décrire.

— Loupal résolut de partir mais au moment où il se retournait, il entendit : « Que veux-tu de moi, mon garçon ? »

Le conteur avait pris une voix de femme non pas grêle et chevrotante mais puissante, profonde.

— Il avala sa salive, se retourna, se présenta selon la coutume et dit : « Ma mère dit que tu pourrais m’aider. – Quel est ton problème ? – J’ai rencontré une femme venue du sud. J’ai voulu partager des joncs avec elle mais elle ne peut manger que de la viande. Je l’aime tant que je suis prêt à chasser pour elle mais je ne suis pas très bon chasseur. Peux-tu m’aider à devenir un bon chasseur ? – Es-tu sûr qu’elle veuille que tu chasses pour elle ? Si elle ne veut pas de tes joncs, elle ne voudra peut-être pas non plus de ta viande. Tu lui as demandé ? – Quand je lui ai offert les joncs, elle n’a pas dit qu’elle ne voulait pas mais qu’elle ne pouvait pas en manger, et quand j’ai proposé de chasser pour elle, elle n’a pas dit non. »

La voix que Galliadal prenait pour Loupal était pleine d’espoir et l’expression du jeune homme qui l’incarnait sur la plate-forme allait de pair.

— « Sais-tu que pour devenir un bon chasseur il suffit de s’entraîner souvent ? – Oui, je sais. J’aurais dû m’entraîner plus. »

Sur l’estrade, le jeune homme baissa les yeux, l’air contrit.

— « Mais tu ne l’as pas fait. Et maintenant, parce qu’une jeune femme t’intéresse, tu veux d’un seul coup devenir chasseur, c’est bien ça ? »

Galliadal avait donné à la vieille Zelandoni un ton réprobateur.

— « Oui. Je l’adore. – Il faut toujours mériter ce qu’on reçoit. Si tu refuses de faire des efforts en t’entraînant, tu dois payer d’une autre façon. Qu’es-tu prêt à donner ? – Je donnerai n’importe quoi ! »

Sachant que c’était la réponse qu’il ne fallait pas faire, les spectateurs retinrent leur souffle.

— « Tu peux encore prendre le temps de t’entraîner et d’apprendre à chasser. – Mais elle n’attendra pas ! Je l’adore, je veux lui apporter de la viande pour qu’elle m’aime. Ah, si seulement j’étais né chasseur ! »

Soudain un brouhaha s’éleva de l’assistance.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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